Back to the future !
Les orchestres d'harmonie trouvent un écho en chacun de nous. Pour la plupart des instrumentistes à vent, ils sont la première formation orchestrale que nous avons intégrée. Pour les joueurs d'instruments à cordes ils sont "l'autre type d'orchestre", plus ou moins connu selon les parcours de chacun. Pour les mélomanes, ils renvoient souvent aux bals et fêtes. Pour d'autres, enfin, ils peuvent sembler des orchestres figés, au répertoire considéré comme musette, stéréotypé et sans évolution possible.
Dans chacun de ces cas, les orchestres d'harmonie semblent intrinsèquement liés au cours de l'histoire et du temps. Questionner leur histoire, notre rapport au temps qui passe, aux évolutions, aux régressions peut-être, par le biais de cet orchestre d'instruments à vents et à percussions, paraissait donc tout indiqué. Grâce à la diversité du répertoire, du clin d'œil aux bals d'autrefois à la musique de films (aujourd'hui "classique" des répertoires d'harmonie) en passant, surtout, par les œuvres originales (écrites spécialement pour orchestres d'harmonie) qui constituent des preuves précieuses de la vivacité de ces ensembles, les possibilités sont infinies.
Mathilde Liffraud
La formation d’« orchestre d’harmonie » prend véritablement son indépendance avec cette symphonie entièrement écrite pour elle. L’œuvre fut composée à l’occasion de la commémoration de la révolution de 1830 et sa création (l’orchestre en procession était dirigé par Berlioz marchant à reculons) fut un relatif échec bien que la partition elle-même suscita l’admiration des compositeurs contemporains de Berlioz (Wagner, Bruckner, …). Le troisième mouvement, « apothéose », fut repris de nombreuses fois en concerts par le compositeur, à tel point qu’il y ajouta des parties de cordes et un chœur en 1842.
Historiquement, les orchestres d’harmonie trouvent leur origine dans la musique militaire, notamment car les instruments qui les constituent peuvent assurer des processions et commémorations en extérieur sans être endommagés par les intempéries. Par ailleurs, la musique de film est aujourd’hui considérée comme le répertoire « classique » des orchestres d’harmonie : cette musique est donc une double référence au répertoire passé et présent de ces ensembles. Si le film, qui retrace l’histoire de deux pilotes durant le célèbre épisode de la seconde Guerre Mondiale, reçut un accueil mitigé, sa musique fut nommée aux Golden Globes.
Les deux œuvres originales qui closent cette première partie ont été écrites par deux des compositeurs incontournables de la musique d’harmonie. Jacob de Haan est l’un d’eux. Avec ce Concerto d’Amore, il mélange trois styles et époques différents, les fait se suivre et se mêler jusqu’au final. L’ouverture, aux caractéristiques baroques (période entre 1600 et 1750 de l’histoire de la musique) est suivie d’un moment plus pop. Un adagio reprend les codes du baroque, son thème principal servira de motif à un dernier moment, que l’on pourra assimiler à du jazz, avant que les trois styles explorés ne se mêlent définitivement dans le final.
Philip Sparke, spécialiste de l’écriture pour brass bands ou orchestres d’harmonie, préside régulièrement des jurys internationaux et répond à des commandes comme celle du Woking Wind Orchestra à l’occasion du changement de millénaire, dont cette pièce fut le résultat. Là où beaucoup ont écrit des œuvres qui célèbrent le changement, et les nouveautés réjouissantes de cet événement exceptionnel, Philip Sparke a souhaité ouvrir notre réflexion sur les choses immuables de la vie, parfois concepts abstraits traités par la philosophie ou la religion. La diversité de l’œuvre (solos, tutti, chorals, …), unifiée par sa grande tranquillité, semble les imager.
Prologue de Hook (1992), thème d’E.T. the Extra-Terrestrial (1982), Mr Longbottom’s flies de Harry Potter and the Sorcerer's Stone (2001), Raiders March de Raiders of the Lost Ark (1981)
Les films avec la musique de John Williams ont bercé notre enfance. Chacun d’entre nous est capable, consciemment ou non, de reconnaître l’une des musiques de ce compositeur qui a marqué durablement la musique de films. Se situant dans un courant post-romantique, le maître d’Hollywood a été rendu célèbre par la composition des Dents de la mer puis de Star Wars et a donné une place prépondérante à « la petite harmonie » (les instruments à vent de l’orchestre symphonique) dans ses œuvres pour le grand écran.
Une aventure où suivre le cours du temps mène à s’arracher les cheveux avec un savant fou aux allures d’Einstein, tel fut le synopsis du film de Robert Zemeckis pour lequel Alan Silvestri a composé la musique. Dès lors, comment créer le matériau musical qui dépeindrait au mieux les voyages dans le temps ? Plus que la philosophie de ceux-ci, c’est bien le voyage en lui-même, à bord de la voiture réaménagée par le Dr. Brown, que le compositeur semble vouloir transcrire, avec tous les rebondissements des aventures de l’adolescent qui accompagne le scientifique.
La problématique du temps est, dans le film de Christopher Nolan, comparable à celle telle qu’elle est exposée dans Retour vers le futur. Pourtant, leur traitement est tout à fait différent. Plutôt qu’un film d’aventures, Inception est une véritable introspection dans des rêves emboîtés. La musique d’Hans Zimmer reflète ce parti pris : la « boucle » que constitue le temps est servie par différents motifs obstinés qui se superposent et s’agglomèrent pour former une musique à la structure d’arche, qui part du néant avant d’atteindre un climax pour finalement revenir au silence.
Daisy Bell (« Bicycle built for two », Harry Dacre, 1892), An der schönen blauen Donau (Op.314, Johann Strauss Jr., 1866), Also sprach Zarathustra (Op.30, ouverture, Richard Strauss, 1896)
La conquête de l’espace et celle du temps sont intimement liées dans le film de Kubrick. Par quelle force mystérieuse, représentée par le monolithe, avons-nous réussi notre évolution et échappé à l’obscurantisme, passant de singe à homme et d’homme à surhomme (à la fin du film) ? Les musiques choisies pour le film accompagnent tour à tour l’évolution et le voyage de l’homme et, assez paradoxalement, la mort de la machine, qui devient presque touchante. Elles ont toutes été choisies par le réalisateur, qui refusa la bande originale qui était initialement prévue.